Ghee: Elixir ou poison ?

« INTERPRETER LES TEXTES A LA LUMIERE DE LEURS CONTEXTES »

Au cœur de la vie quotidienne des indiens depuis des milliers d’années, le ghee, beurre liquéfié et clarifié y est très utilisé. On le retrouve aussi en soin et cuisine ayurvédiques car on lui reconnait de multiples vertus. C’est d’ailleurs le meilleur soin pour apaiser Pitta, bien qu’il soit équilibrant pour les trois doshas !
En voici la description dans l’Ashtanga Hirdaya (texte ayurvédique datant du 7ème siècle après J.C.) : « De tous les produits gras, le ghee est le meilleur, il est rafraîchissant, il retient la jeunesse, peut donner mille bons effets si on en maitrise les procédés. »
Il est donc tout à fait normal au vu de ce traité de considérer le ghee comme un aliment exceptionnel.

 

                  Mais est-il réellement adapté à notre société et à notre temps,
                                        en maîtrise-t-on encore les procédés?

 

Cette définition a été écrite il y a des milliers d’années. C’est donc dans un contexte et un pays très différents du nôtre que le ghee a fait son apparition. En effet, le lait, utilisé comme base du ghee, d’Inde durant la période védique n’est pas le même que celui d’aujourd’hui. Les védas font eux-mêmes une distinction entre le « bon lait », l’élixir, ksheera en sanskrit et le « mauvais lait », ama ksheera autrement dit le poison. Les textes ayurvédiques énumèrent alors des critères du lait absolument nécessaires à la compréhension de ce qu’est un ghee consommable :
– La vache, en bonne santé, doit être nourrie exclusivement de sa nourriture naturelle ; d’herbe.
– Après la mise-bas, le veau, qui doit rester avec elle, est exclusivement nourri par la vache ; pas de traite durant cette période.
– Le lait doit être consommé encore chaud du pis de la vache, sinon il doit être bouilli 2h après la traite et consommé 4h après.
– Il faut que le lait vienne de la vache indienne c’est-à-dire la vache sacrée. Il était donc interdit de manger de sa viande, de la maltraiter ni même de l’insulter. Au contraire, les indiens la vénéraient car c’est un symbole de non-violence et de bienveillance.

Or, en France, chérissons-nous la vache tel que les indiens la chérissaient ? La protégeons-nous tel qu’ils la protégeaient ? La nourrissons nous et l’élevons nous avec autant de sens et de respect qu’eux ?

Il est bien sûr évident que cela dépend des élevages mais aujourd’hui l’élevage des vaches laitières en France donne que peu de place à cet ensemble de bienfaisance envers ces animaux.
En voici un petit aperçu. Pour produire du lait, la vache laitière est inséminée artificiellement pour donner naissance à des veaux à répétition. Cette hyper productivité lui procure alors différents dommages corporels jusqu’à l’épuisement. A cet instant, la vache part alors à l’abattoir généralement à l’âge de 8 ans alors que son espérance de vie est de 20 ans. De plus, elle a souvent un accès limité à l’extérieur alors que les élevages en bâtiment clos se multiplient interdisant totalement le pâturage et donc l’accès à l’herbe fraîche.
Dans presque tous les élevages laitiers, les petits sont eux séparés de leur mère dans les 24h après la mise-bas. Un traumatisme pour les deux, qui s’appellent et cherchent parfois pendant des jours.

C’est alors important d’interpréter les textes à la lumière de leurs contextes car le lait produit dans ces conditions de vie n’est donc pas le même que celui recueilli au temps des védas. Ce n’est pas le ksheera que l’on doit utiliser pour fabriquer du ghee, le ghee, celui aux mille vertus. 
Mais attention, le ghee élaboré à partir de lait français reste meilleur que le beurre traditionnel car :
– Il est sans lactose ni caséine donc plus facile à digérer,
– Son point de fumée est très élevée de sorte à pouvoir être chauffé à très haute température sans dégrader sa qualité,
– Ayant ôter toute présence d’eau, il se conserve plus longtemps.

Comme en toute chose, quelles que soient les vertus d’un aliment, il est bon d’en avoir un usage éclairé. Ainsi consommez le ghee en accord avec votre constitution, vos besoins spécifiques mais aussi l’endroit et le moment où vous vous trouvez. Et alternez voire remplacez son usage avec d’autres lipides végétaux aux propriétés toutes aussi bénéfiques, comme l’huile de sésame, d’olive, de lin, de chanvre et de tournesol!